L’usage de la littérature. Du récit de voyage au récit de lecture


Pour mieux comprendre ce qui fait évènement pour un lecteur, Marcel Goulet propose de filer la métaphore de Michel de Certeau, qui compare le lecteur à un voyageur et à un braconnier, et de réfléchir à la similitude entre l’évènement de voyage et l’évènement de lecture. Pour ce faire, il s’appuie sur L’usage du monde de Nicolas Bouvier, récit d’un voyage de la Suisse jusqu’au Pakistan en passant par Belgrade, les Balkans, l’Iran et l’Afghanistan. Grâce à une lecture attentive de l’ouvrage de Bouvier, Goulet explique que la découverte d’une ville – Belgrade par exemple – produit des affects d’ordre sensoriel et laisse des traces chez le sujet, mais, pour cela, le voyageur doit se présenter dans une certaine disposition d’esprit. La conscience de son incomplétude et la vulnérabilité, chez le voyageur, mais aussi, suivant la métaphore, chez le lecteur, permettent à l’évènement d’arriver, c’est-à-dire que cela permet au voyageur-lecteur d’être débordé, ébranlé. Goulet s’intéresse à la mise en récit du voyage qui permet à l’évènement de se déployer, à partir du fait, par un processus de subjectivation accompli par le voyageur. Il suggère, par là, que l’évènement de lecture peut sans doute se concevoir de manière similaire.


GOULET, Marcel (2015). « L’usage de la littérature. Du récit de voyage au récit de lecture », dans Micheline Cambron et Gérard Langlade (dir.), L’évènement de lecture, Montréal, Nota Bene, p. 59-77.